Monsieur le Président, mes chers collègues,- Comment faire partager et vivre la connaissance historique,culturelle patrimoniale de notre île à l'heure de l'uniformisation présentée comme seule matrice culturelle? - Comment sauvegarder nos différences, ce métissage? - Comment transmettre ce savoir acquis, celle de nos parents de nos aïeux de nos ancêtres, ces héros qui méritent d'être connus, reconnus et valorisés? - Comment faire évoluer,progresser et épanouir notre culture si nous ne savons pas qui nous sommes ni d’où nous venons?- Comment définir un développement de notre culture et de l'identité réunionnaise dans les années à venir? En fait, une politique culturelle Pour qui? Pourquoi? et avec qui?
I- une politique culturelle qui s'aligne sur une ligne budgétaire
Premier constat *La mise en œuvre des nouvelles orientations de la mandature n'a aucunement visé à impulser une nouvelle dynamique en faveur du développement culturel de l'ile, c'est une vision des comptables et non de développement. La politique culturelle aujourd'hui c'est compter, des chiffres dépenser pour «bat caré,» pour organiser des opérations plus festives que culturelles. La culture est aujourd’hui un gabier et elle s'appauvrit. Deuxième constat *L'analyse des rapports du bilan d'activités 2010 pour le secteur culture présente une politique culturelle essentiellement basée sur l'animation. - festins, dépenses importantes pour des voyages à Montélimar (188 000 euros) à Adélaïde, ( 300 000 euros ). La culture est devenue un banquet pantagruélique * Et pour meubler l'absence des projets ,«on arrose, des subventions à la fanfare. Que reste t-il après ces spectacles qui coutent chers aux contribuables? La culture doit s'ouvrir à tous. Elle appartient à tous les Réunionnais, elle doit rester vivante mais elle doit aussi fixer la mémoire collective. La culture, notre culture est un pilier du développement durable. Elle doit aussi contribuer a développement économique du pays. Elle doit participer activement à la lutte contre le chômage.
II- Une politique culturelle qui dénigre notre langue Dans le rapport des pages entières pour illustrer les dépenses somptueuses et seulement 4 lignes pour langues et cultures régionales avec comme somme 42 300 euros. Et pourtant nous savons tous que la langue kréol, est l'encyclopédie de la culture orale, de la littérature de l'histoire de notre île. sans langue créole, pas d'histoire réunionnaise, pas de culture réunionnaise. Mais quand on se permet de déclarer sur une chaine de radio nationale que notre langue n'a aucun sens, que vous n'interveniez guère pour corriger votre collègue qui aurait dû rester cette chanteuse reconnue et célèbre dire que notre langue c'est langue «kk» je comprends aisément pourquoi la rubrique langues et cultures régionales soient traitées avec autant de mépris, de déni. Mesdames et messieurs les élus Il n'y a pas de culture sans langue, il n' y pas de langue sans culture.La culture réunionnaise s'est développée dans la diversité: les croyances, les coutumes, les habitudes, et surtout la langue créole. Pourquoi se désolidariser de notre langue? Notre langue est un vecteur important de l'expression culturelle, elle offre le moyen de partager les caractéristiques de notre culture avec les autres sociétés. Notre langue est aussi un vecteur important de l'histoire culturelle. La communauté internationale par le biais de l'Unesco a cherché à promouvoir les langues comme un outil de dialogue et d'intégration internationale démontrant ainsi que la langue est un outil de l'échange culturel et la compréhension mutuelle Cette loi que vous connaissez, car vous étiez député, a été adoptée à l’unanimité en octobre 2005 et mise en vigueur le 18 mars 2007 ces lois stipulent « que la diversité culturelle doit être considérée comme un patrimoine commun de l'humanité» et «sa défense comme un impératif éthique inséparable du respect de la dignité de la personne humaine» En tant que président de la Région, vous êtes aussi au courant de la convention signée en février 2011 par le ministre de l’Éducation Nationale et le président de la région en Martinique. Nos frères Martiniquais définissent ainsi le créole comme une langue qui a un sens et mérite d'être défendue. L’État français et le président de Région ont officialisé l’apprentissage de la langue et de la culture créole en traçant les lignes d'un dispositif cohérent depuis l'école jusqu'au lycée. Ils reconnaissent que l'apprentissage de la langue kréol (orale et écrite) s'ajoutent aux autres dispositifs existants pour combattre l'illettrisme. Enfin ce Jeudi, le Sénat examinera une proposition d'une loi qui vise à renforcer le statut des langues et cultures régionales. Ici dans l'île des hommes et femmes réunionnais politiques dénigrent notre langue, l'humilient. L’humiliation est un obstacle pour la construction de l'individu, elle dépouille l'homme, le Réunionnais de sa dignité, de son histoire. Mesdames, messieurs les élus Aimé Césaire qui nous a quitté récemment partageait avec de Paul Verges, les mêmes mots: égalité des cultures, droit à la différence, assimilé sans jamais être assimilé. Et tous les deux ont surtout affirmé que « devant l'histoire, il ne faut pas seulement dire «victime, victime! Mais il faut choisir son destin, c'est une question de dignité. Ce destin doit se dessiner dans la république qui doit prendre en compte la diversité culturelle.Cette république doit garder une place particulière, respectueuse, digne à la destinée de ces peuples de tous ceux qui un jour ont été colonisés déracinés, transplantés et meurtris par l'histoire. * Dans les rapports, on souligne qu'il important de tout mettre en œuvre pour la préservation, la restauration et la valorisation du patrimoine culturel réunionnais qu'il soit matériel ou immatériel. Alors pourquoi avoir effacé toutes les archives, le travail fait et présent sur le site de la région? Pourquoi avoir supprimé toutes les publications publiques sur le maloya, le patrimoine de l'humanité, zarboutan, nout kiltir. L'apport de nos zansèt venant de Madagascar, de l'Afrique est un des aspects de notre identité non valorisé et à mettre à égalité avec toutes les autres cultures qui composent le peuple réunionnais. Serait- ce par manque de projet culturel, qu'aujourd'hui toutes les activités culturelles d'animations festives ont été enfermées dans les trois musées de l'ile: kélonia, la maison du volcan et Stella Matutina Je constate avec plaisir qu'on a enfin compris que la structure muséale reste aussi un lieu de la sauvegarde et de conservation du patrimoine matériel et immatériel. je constate également que les mots métissage, métissé sont beaucoup usités dans les rapports. Ces mots reflètent notre identité culturelle. Le métissage est la rencontre de plusieurs civilisations: malgas, africaine, indiennes, européenne, chinoise, Comores, ect… Or quand on lit le rapport, apparaît une tentative politique d'occulter, d’effacer une partie de notre histoire qui fait partie de ce métissage. - L'ile Bourbon, l'ile royaliste, l'ile esclavagiste n'est pas abordée. L'histoire de la Réunion commence après 1848 dans les rapports. Et la région a construit une nouvelle rubrique historique: après 1848, c'est le métissage. La région réécrit l'histoire de la Réunion. où sont les actions culturelles pour valoriser la marronnage, une période qui marque l'épopée historique de nos héros qui se sont battus pour obtenir leur liberté; voilà une belle action pédagogique, formatrice, une façon d'effacer ces stéréotypes véhiculés sur les Réunionnais par notre homologue Mauricien.Nous ne sommes paresseux, soumis, assistés. Valoriser le marronnage c'est valoriser un acte politique courageux, un mode de vie, une civilisation: un exemple pour les jeunes aujourd'hui. Kosa lo Konsèy régional la fé depuis six mois pour célébrer "2011, l’Année d’Élie, un combattant de la liberté", suite à l’appel lancé dans ce sens le 15 décembre dernier à toutes les collectivités réunionnaises par la Chaire de l’UNESCO de l’Université de La Réunion et par des associations culturelles réunionnaises pour commémorer le 200ème anniversaire de la révolte de nos ancêtres esclaves dans la région de Saint-Leu?
III- une culture effacée LE 20 DECEMBRE : PARLONS EN DE CETTE DATE QUI A LIBERE NOTRE ILE DU SYSTEME COLONIALISTE ESCLAVAGISTE La collectivité a décidé d'organiser à la fin de l'année 2010 le Festival Liberté Métisse sur 4 jours pour célébrer le 20 décembre. Je m'interroge sur le traitement de deux manifestations phares ( fête du Dipavli et festival métisse) ainsi que la légitimité de la collectivité régionale à jouer le rôle d’opérateur au détriment des structures associatives. Au nom du respect de chaque réunionnais, au nom de refus du négationnisme historique, les mots fête de la liberté et le mot fét kaf ne doivent pas disparaître de notre culture. Ne cachez pas, ne noyez pas le 20 décembre dans cette conception , dans cette fabrication de mots flous vide de sens historique. Le 20 décembre ne célèbre pas la fête métisse, ne changez pas l'histoire. Après la fête des mirabelles, des letchis, Les Réunionnais doivent savoir que la région a changé le nom de leur fête de la liberté, en fête métisse. le 20 décembre c'est la fête de la liberté, c'est la FÉT KAF. «raconter une histoire ou chanter une histoire ( comme celle du 20 décembre) entraine des risques terribles,mais ne pas la chanter, ni la raconter entrainerait la perte définitive du savoir» - je finirais par croire qu'il est difficile dans cette salle de se dire que nous avons ont eu dans le passé, des zancet réduits à l'état esclave, c'est à dire des hommes et des femmes ,vous et moi,mais avec tout simplement un statut social différent Ici même si cela ne se voit pas toujours physiquement, le créole est métissé, c'est pourquoi il nous est bien difficile de donner un type d'une personne tellement ses origines sont variées. par ailleurs si tous à la Réunion, on se mettait à enquêter sur nos origines ( je vous invite à la faire), nous remonterions à des hommes et des femmes comme Louise Siarane ( malgas), Marguerite Mollet ( France ) ou encore Felicie Vincente ( indienne) 20 décembre est un maillon essentiel de l'unité réunionnaise La fet kaf, c'est l égalité, une vérité, une réalité anthropologique, la reconnaissance de la culture kaf, du culte, de la cérémonie, des servis kabaré, manière d'être, de faire la musique ( le maloya), musique festive et de cérémonie. Nicolas Sarkozy a lui même commémoré l'abolition de l'esclavage, de la traite négrière. C'est une commémoration nationale. Chaque abolition de l'esclavage, des anciennes colonies s’inscrivent dans l'histoire de France. Nicolas Sarkozy a également érigé une stèle en hommage aux esclaves réunionnais, martiniquais, guadeloupéens .. aux anciennes colonies qui par leurs luttes ont participé au fondement de notre république. Pourquoi vouloir se désolidariser de cette commémoration nationale? De nos frères? Pourquoi remplacer la commémoration de l'abolition de l'esclavage par le festival métisse? Ce qui est résumé dans le rapport est vide de sens historique, j'ai même envie de dire c'est une insulte supplémentaire qui s'ajoute à celle faite à notre langue créole. ASSEZ, ASSEZ, ASSEZ Je vous propose de rectifier cette déformation historique qui pourrait être remplacé par: à ce titre la collectivité a organisé à la fin de l'année 2010, le 20 décembre.C'est une manifestation culturelle historique qui rend hommage (non pas au métissage de la société réunionnaise) mais aux plus de 62 000 esclaves libres après 1848 qui viendront s'unir et renforcer le métissage culturel réunionnais ,une commémoration qui montre la richesse de notre histoire et de notre vivre ensemble. *Monsieur le président ne soyez pas dans la culture de l'amnésie historique Rendez aux réunioné la fete kaf, sa fête de la liberté. n'ayons pas honte de notre culture, de notre histoire, de notre langue créole Le 20 décembre est l'occasion de rendre un grand et digne hommage à tous les esclaves qui se sont battus pour leur liberté et à tous les hommes quelque soit leur couleur qui ont dit non.
Commémorer ne signifie pas remuer les cendres de ce passé douloureux, difficile. C’est avant tout un acte symbolique dans la reconnaissance de ce devoir de réparation qui affirme une égale dignité pour tous les êtres humains. En continuant à commémorer l’abolition, dit fête kaf,la République libre, égale, fraternelle s’adresse aux descendants d’esclaves qu’elle intègre dans le corps national pour rappeler à l’ensemble des citoyens dans quelles conditions certains d’entre eux ont vécu dans l’espace républicain. On ne bâtit pas une société sur une amnésie historique.
A l'image des grands hommes qui ont œuvré pour la liberté, soyons les gardiens de nos racines, de notre identité car cette connaissance de soi, de notre histoire, de notre culture est la condition de l'ouverture au monde, c'est une source infinie de partage et d'échanges. Notre île a connu une assimilation de combat, elle a aussi connu une laïcité de combat, mais l'idéal réunionnais, île plurielle, ne peut pas être la négation des identités singulières cet idéal républicain ne peut qu'être que l'enrichissement de ces identités par la prise en partage d'une histoire, d'une culture des valeurs qui viennent s'ajouter et non remplacer ce que chacun a hérité de sa propre histoire. Assemblée plénière : jeudi 30 juin 2011.
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Aline Murin Hoarau
10 mai 2014
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