sak ifé nout jordu ék nout demin

Vive la Boucan Party !


Édito
Jeudi 17 Janvier 2013

« Flashmob » : ce terme anglo-saxon est désormais d’usage courant, pour qualifier les rassemblements, le plus souvent festifs, initiés via les réseaux sociaux. Des évènements qui prennent généralement les autorités de court... et où les médias trouvent matière à copies.


C’est sur la plage de Boucan-Canot qu’a eu lieu hier le plus grand flashmob jamais réalisé à La Réunion. A l’appel d’un usager du réseau Facebook, entre 2.500 et 3.000 jeunes se sont retrouvés pour « fêter la fin des vacances ». Par centaines, les adolescents se sont joyeusement jetés à l’eau, au nez et à la barbe des requins qui, paraît-il, guettent à quelques mètres du rivage, et du sacro-saint principe de précaution.

Ils étaient plus nombreux encore sur la plage, à échanger, jouer de la musique, faire cuire à manger, danser, se bécoter, se dorer la pilule. Sans organisateurs ni organisation, le mouvement n’a donné lieu à aucun incident particulier. Ce qui n’empêche pas l’habituel choeur des pas-contents-de-service d’entonner ce matin, via les médias de masse réunionnais, le non moins habituel refrain de « band jeunes i fait n’importe quoué », de l’irresponsabilité, et le zamal par ici, et l’alcool par là, et le sexe, et la saleté... On lit même, de ci-delà, des appels à jeter en prison le jeune créateur de la page Facebook appelant à la manifestation...lequel, apprend-on avec stupéfaction, sera entendu par les gendarmes ! Tous ceux que « laloi » a rembarrés sans ménagements lorsqu’ils sont venus déclarer un dommage ou une agression apprécieront...
 
Ah ! Voilà bien là, outre la tendance fâcheuse à commérer et à « mettre la langue », comme dit le créole, sur tous ceux dont le comportement sort un peu des routines, l’un des maux majeurs dont souffre notre pays : la peur du jeune, la suspicion systématique jetée sur tout ce qui n’émane pas de vieux cons cul-serrés blanchis sous le harnais. Nous sommes pour notre part d’un avis diamétralement opposé à celui de la meute des conformistes qui se déchaîne à la radio et sur l’internet.
 
Non seulement, la « Boucan Party » a montré que la jeunesse réunionnaise sait parfaitement se rassembler en paix. Et que l’on ne nous parle pas de « dégradation du site », nouveau refrain du vieux puritanisme maloki. Boucan n’a pas attendu les jeunes pour être sale, et si saleté il y a, c’est avant tout parce que les pouvoirs publics n’ont pas les moyens de mener à bien leur mission. Ceux que la critique démange feraient mieux de se mobiliser pour plus d’emplois verts et un vrai service public de l’environnement...
 
Mieux : cette affluence dans la gaîté et la convivialité nous montre une société créole qui change, sans « prendre l’air » avec les vieux schémas des aînés. Et c’est tant mieux ! On se souvient de ce qu’était Boucan-Canot il n’y a pas si longtemps : une plage blanche, qui symbolisait l’élite, le fric, réservée de fait à un petit groupe et que le Réunionnais de couche moyenne ou populaire s’interdisait de fréquenter. Des phénomènes tels que la Boucan Party signaleraient-ils l’émergence d’une génération débarrassée de ces complexes ? C’est peut-être cela qui dérange les tenants de notre société verrouillée par les croulants, les vieux jeunes et les jeunes vieux. Quoi qu’il en soit, le message est clair, et il est sain : le jeune Réunionnais est partout chez lui à La Réunion. Vive la Boucan Party !
 
 
Geoffroy Géraud Legros



 




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