sak ifé nout jordu ék nout demin

Vie chère : "Les pouvoirs publics ont tardé à réagir", dixit Huguette Bello


Invité(e)
Jeudi 11 Octobre 2012

"Dans les Outre-mer, le coût de la vie est une préoccupation ancienne que rien n’est venu démoder. Rien. Ni la mondialisation, qui a démultiplié les échanges à travers la planète, ni la restructuration du tissu commercial avec l’implantation, en 1988, du premier hypermarché, ni l’augmentation de la demande en liaison avec la démographie et avec la réalisation progressive de l’égalité sociale. La vie chère a résisté à tout. La vie chère, dans les Outre-mer, a été jusqu’ici plus forte que tout. Plus grave encore : les prix ont même augmenté, particulièrement sur les produits alimentaires".


"Rien de surprenant, donc, si les populations n’ont cessé de déplorer et de dénoncer cette situation. Et la surprise est moins grande encore quand on sait que les revenus moyens sont parmi les moins élevés. Deux chiffres suffisent à éclairer l’ampleur des difficultés des familles : dans l’Outre-mer, l’alimentation coûte presque 40% de plus qu’en France hexagonale, alors que le revenu médian y est inférieur de près de 40%. Comme le bon sens indique que le pouvoir d’achat est le rapport entre ces deux données, on voit que ce pouvoir d’achat, dans les Outre-mer, se trouve dans la pire configuration qui soit.

Et cependant, les pouvoirs publics ont tardé à réagir. Qu’on se souvienne que l’Observatoire des prix et des revenus est issu d’une initiative des députés de la Réunion lors de l’examen de la Loom en 2000 et qu’il a été voté (je m’en souviens) contre l’avis du gouvernement. Qu’on se souvienne qu’il a fallu des pétitions citoyennes pour que cet organisme voie le jour sept ans - oui, sept ans ! - plus tard.

Plus récemment, en 2008, lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie, le dispositif destiné à prévenir les concentrations dans la grande distribution a été supprimé contre l’avis des parlementaires d’Outre-mer, et sans que nous soit étendu le dispositif sur les seuils de notification.

Il a fallu 2009 et les impressionnantes manifestations dont nous nous souvenons tous pour que la prise de conscience affleure au plus haut niveau. Depuis lors, études et diagnostics se sont multipliés qui, toutes et tous, confirment les appréciations des ménages. Toutes et tous pointent les surcoûts qui ne cessent de s’additionner, de s’amonceler.

"Chacun des acteurs de la chaîne logistique facture des prix plus ou moins élevés qui s’empilent, et dont le seul consommateur final paie l’addition" peut-on lire dans une étude consacrée à la Réunion. De son côté, le Parlement européen, dans un rapport de 2011, met en évidence le fait que "les économies des Régions ultrapériphériques sont contraintes, presque dans tous les domaines, par les surcoûts."

Dans un avis remarqué, l’Autorité de la concurrence a clairement recensé les difficultés, et montré que si elles tiennent en partie à nos spécificités, elles tiennent surtout aux modalités de commercialisation des marchandises.

Il apparaît clairement, à la lecture de ces travaux, que la cherté de la vie dans l’Outre-mer est loin d’être une fatalité. On peut même avancer l’hypothèse que l’éloignement, l’insularité et l’exiguïté de nos marchés, facteurs souvent mis en avant, ont constitué de très utiles paravents à l’ombre desquels une économie de monopoles et de marges s’est tranquillement, beaucoup trop tranquillement, développée.

Même s’il n’aborde pas tous les aspects constitutifs de la vie chère, ce texte a le grand mérite de ne pas se limiter à un seul stade de la formation des prix, mais d’envisager toutes les étapes en remontant, pour ainsi dire, à la source du processus. Cette démarche n’avait jamais été entreprise. Elle est pourtant indispensable puisque la grande distribution d’Outre-mer, pour s’approvisionner, privilégie le circuit le plus long, circuit assorti d’intermédiaires, de pratiques d’exclusivité et, naturellement, de marges confortables.

Le temps est sous doute arrivé où il n’est plus possible de se contenter de s’en remettre à la seule loi de l’offre et de la demande. Bientôt, les consommateurs risquent de se lasser de financer à perpétuité les dysfonctionnements de marchés livrés à eux-mêmes, ou plutôt à leurs outrances.

Quand des économies de marché agglomèrent à ce point des monopoles privés, des oligopoles et toutes sortes de concentrations, une régulation adaptée devient indispensable, cela à tous les niveaux qui contribuent à la formation des prix. Mais, pour que les réductions de coûts se répercutent aussi de maillon en maillon jusqu’au consommateur final, cette régulation doit s’accompagner d’une programmation précise d’objectifs partagés.

Nous avons bien noté qu’il ne s’agissait pas d’un texte de portée générale. Mais comment ignorer que l’éloignement a évidemment un coût ? Comment oublier que notre principale source d’approvisionnement est à des milliers de kilomètres ? La lutte contre la vie chère passe simultanément par une production locale soutenue, et par la concrétisation de cette politique de grand voisinage souhaitée désormais par tous. L’efficacité des dispositifs proposés dans ce texte s’en trouverait, à n’en pas douter, décuplée".

Assemblée nationale


Dans la même rubrique :