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Pierre Vergès n'a pas réussi à tuer Paul Vergès… de son vivant


Édito
Jeudi 13 Juin 2013

Combien à La Réunion ont pris fait et cause pour Pierre Vergès hier, suite à l'information révélée à la Une du Journal de l'île ? C'est ainsi ! Dans la mémoire collective, Pierre Vergès a l'image d'un enfant né avec une cuillère en argent dans la bouche, et a grandi avec une sacrée casserole au pied (l'affaire de l'endiguement de la rivière des Galets). Et beaucoup ont incarné en lui leur désamour du père, protégé lui, par sa dimension politique. Le fils sert aussi de bouclier au père. Quand il n'y a pas la comparaison répétée avec feu Laurent, son frère…


Fâchons tout le monde. Commençons par Pierre Vergès. Que dire de l'homme politique et public ? Erudit, cultivé, excellent orateur, père et grand-père aimant si l'on se réfère à son blog et à ses interventions. Il est aussi prétentieux, arrogant et condescendant dans certaines attitudes. Trop souvent sans doute. Son langage soutenu réduit la portée de ses informations et positions (pourtant de qualité). Et dans le cadre des travaux de reconstruction, le fait que ses propositions n'ont pas été retenues, il a choisi de se mettre en retrait par rapport à ses camarades du Conseil de reconstruction. A tort. Car, dès lors aucun dialogue n'était possible.

Pierre Vergès a de qui tenir. Même si la prétention, l'arrogance et la condescendance ne font pas partie de l'héritage génétique, sur ce point, la reproduction de schéma est flagrante. C'est aussi vrai pour l'érudition, le niveau de culture et la capacité à se projeter dans l'avenir. Toutefois, le mimétisme a ses limites. Surtout en politique. Et surtout lorsque le fils a trop longtemps vécu dans l'ombre de son père. Et c'est le cas de Pierre Vergès. L'ex-maire du Port (il a succédé à son père) s'est toujours évertué à montrer l'image d'un héritier aimant et respectueux.

Pourtant en désaccord sur différents positions politiques, Pierre Vergès a toujours évité d'étaler sur la place publique ses divergences avec Paul Vergès. Il préfère mettre en avant les liens d'un fils et d'un père. Ces liens ont fini par l'emprisonner. Et l'étouffer. Pierre Vergès n'a pas réussi à se libérer du cordon ombilical paternel. Et à tuer Paul Vergès… de son vivant. C'est le psychodrame au moins de sa vie politique. C'est un autre épisode qui commence avec son retrait du PCR et le conflit qui l'oppose à Jean-Yves Langenier à la mairie du Port. Le pire pour lui, s'il s'en sort, la plupart pensera (à tort ou à raison) que c'est grâce à l'intervention de son père. L'amour, un fardeau en héritage.

Pierre Vergès souffre du même mal que Jean-Marie Virapoullé. L'omnipotence et l'omniprésence du père… en politique (et non pas à la maison lorsqu'ils étaient enfants ou ados). Quel serait le remède le plus efficace ? La retraite immédiate et totale des deux géniteurs de la politique ? Le remède deviendrait alors pire que le mal, car, la population exigerait d'eux qu'ils comblent rapidement le vide laissé par leur papa. Ce qui serait une forme de suicide ou hara-kiri. Un cercle vicieux en fait. Dans lequel ni Pierre Vergès, ni Jean-Marie Virapoullé n'a trouvé une issue de secours. Pour s'extirper de l'ombre de leur père… de leur vivant.

Jismy Ramoudou


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