FICHE NUMERO 9 : SIMON LAGARRIGUE
Simon Lagarrigue & la Troupe Résistance sont un symbole pour nous tous et pour les générations futures. Fondée en 1959 par Simon Lagarrigue à une époque où la répression de la culture maloya commençait à fairerage, la troupe résistance a toujours
porté des messages de justice sociale et de lutte des classes par son côté engagé
avec les forces de Gauche et du PCR.
Simon que tout le monde appelle DADA est né en 1938 à St Pierre, il chante ses propres compositions ainsi que des airs hérités des anciens comme son illustre père le moringueur Henri Lagarrigue (1916-2002).
Des thèmes composés sur la vie de tous les jours, l’amour perdu ou recherché, des chroniques d’évènements qui ont marqué son existence.
La Résistance fut l’une des premières troupes de maloya avec celle de Firmin
Viry (qui est marié à la soeur cadette de Simon) à graver ses chansons dans les micros sillons des deux 33 Tours édités en 1976 par le PCR suite à son IVe congrès. C’était à
l’époque des chansons à forte connotation politique lutte pour l’autonomie l’égalité
des droits et des traitements, une lutte pour la liberté d’expression dans la société ultraconservatrice de l’époque où seul le parti au pouvoir avait le droit à la parole et l’opposition était censurée et traquée.
Le maloya de Simon est resté fidèle à l’esprit des anciens, il garde les mêmes instruments qu’utilisait son père : roulèr,kavya, pikèr, triangle, bobre). À l’époque où le maloya était « interdit » à cause des idées politiques qui étaient véhiculées par ses chanteurs, Simon chantait chez lui ou dans les meetings du PCR avec sa troupe.
Il se souvient qu’à une époque quand il s’agissait d’aller jouer le maloya, il fallait être
un malin pour traverser les différentes communes du pouvoir en place sans se faire attraper avec les instruments. Il fallait aussi être sur ses gardes afin d’éviter les broquettes sur la route et les gros bras du camp d’en face qui montait la garde aux endroits stratégiques.
En 1968 il fait même de la prison pour avoir manifesté contre le pouvoir en place à St Pierre au lieu dit « casernes ».
Il a souvent chanté dans les fêtes du journal Témoignages dans les années 60-70. C’est là que se croise à l’époque toute la jeunesse révoltée de l’île en quête d’un renouveau. En 1978 la troupe enregistre deux 45 tours aux studios ISSA à St Denis pour le compte des éditions EDIROI. Sur le premier disque, Simon chante makwalé, sur la première face.
Cette chanson est devenue depuis un des standards du maloya et reprise par
de nombreux groupes locaux. Sur la face B, le jeune Daniel Hoareau qui ne s’appelait pas encore Danyèl WARO chante « la déport amwin » en duo avec Rolande Nayagom.
Sur le second opus c’est Mamoza « Mamo» et Merry Viry qui chantent chacun leur
tour, « mon rin la décloké » et « ti lavion i pass ».
Simon n’a jamais revendiqué le leadership dans la troupe comme chanteur principal, il a toujours laissé chacun s’exprimer en chanson. Cette manière de voir les choses lui vient certainement de son enfance où comme il aime à le raconter, il chantait en compagnie de ses frères et soeurs des airs appris des anciens, mais aussi quelques fois, chacun improvisait un petit couplet
et leur maloya était composé de manière collégiale.
« Fo suiv la tradisyon, sak i di dan lakaz la pa bézwin sorti déor ».
Nos parents étaient tous illettrés, exploités par les gros propriétaires, non vraiment ils n’avaient pas le temps de prendre leur temps pour nous expliquer les réalités de la vie.»
« À l’époque nos parents ne nous ont pas appris le maloya et le sens des mots. Ils n’avaient pas le temps, il fallait travailler dur pour nourrir sa famille. Si nous avons pu sauvegarder le maloya lontan c’est parce que nous avons écouté de loin puis nous avons reproduit ce que l’on entendait. Avant les adultes ne voulaient pas que l’on se mêle de
leurs affaires. Quand il y avait un servis Malgache, in manzé sou la tab, nous écoutions religieusement les paroles des anciens, nous ne faisions que répondre aux chants sans comprendre. Quand on osait demander des explications, on n’avait qu’une réponse de la part des gramoun lontan. Toutes ces chansons « la prière devant sin bé » qui n’étaient pas chantés en public et qui malheureusement se perdent actuellement faute de passage aux nouvelles générations.
On s’amusait comme ça ! les gens pauvres restaient de leur côté, ils n’avaient pas les moyens ni le droit de sortir de l’habitation.
Saint-Pierre et son maloya / moringue Lontan
Avant à St Pierre, chaque arrondissement avait son « lékip maloya èk moringue», Basse Terre, la Ligne Paradis, Mon Caprice, Bassin Martin, Ravine des Cabris… C’était dans la cour de ces anciennes habitations esclavagiste qu’il y avait le maloya et le moringue pas dans la rue ou sur un podium.
«Avant on chantait le maloya pour s’amuser, pour accompagner les travaux des champs, d’ailleurs pour des gens comme nous, il n’y avait pas de distraction à l’époque.» Pas de sono, pas d’instruments modernes, juste un vieux roulèr et un sati pour s’amuser.
Il y avait deux styles de maloya que l’on chantait en dehors des services, le maloya l’ambiance, qui ressemble à un séga et le maloya foutan ou maloya foutan ou kabaré qui consiste-en une joute oratoire entre les chanteurs présents lors de cessoirées maloya. Un autre maloya avait cours lui aussi mais uniquement dans les services malgaches et kaf makwalé.
Une vie bien remplie, une retraite bien mérité
La troupe résistance cessera ses activités au milieu des années 80. Simon rejoindra
plus tard la Troupe de Firmin VIRY dans laquelle joue son père Henri, ses frères Alain et Yvrin et ses sœurs Céline et Christiane.
En 1991 il participe à l’enregistrement d’une cassette audio de la troupe de Firmin Viry intitulée « cent ans bonèr» produit par les Studios Oasis. Simon enregistrera aussi quelques-unes de ses compositions sur les disques Ti Mardé produit par LABEL BLEU/INDIGO en 1998 et Le maloya produit par OCORA / RADIO France. Dans cette même période, il enregistre aussi pour l’incontournable compilation « BOURBON MALOYA » parue en 1999.
Il a fait plusieurs tournées avec la troupe de Firmin Viry en France. Il ne compte plus
les scènes locales sur lesquelles il s’est produit depuis 1959. Avec l’âge Simon chante de moins en moins, il se consacre le plus souvent à sa nombreuse famille et
à sa grande passion, les dominos.
« Je ne cache pas ma fierté d’avoir réussit à enregistrer ce document sur l’oeuvre de
DADA Lagarrigue en 2007. Avoir réussit à graver sa voix sur son seul album solo. C’est avant tout un hommage à un grand maître du maloya, un homme simple, chaleureux, toujours souriant, un grand père comme tout le monde voudrait avoir. »