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Le parc national ne doit pas être le nouvel épouvantail électoraliste


Invité(e)
Dimanche 10 Novembre 2013

Suite au communiqué publié par le député-maire PS-Le Progrès, M. Patrick Lebreton, relatif à son prochain entretien avec le Ministre de l’Ecologie sur le parc national, notre collectif pour le maintien des activités au cœur de La Réunion tenait à apporter un certain nombre de précisions.


Nous souhaitions d’abord indiquer que nous avons tenté de rencontrer l’élu avant l’adoption définitive de la charte pour comprendre l’avis favorable délivré par la commune de Saint-Joseph sur le projet de charte, mais sans aucun succès. M. Lebreton, alors que nous tentions à nouveau de l’interpeller à l’occasion de l’université rurale en décembre 2012, nous avez accueilli de manière singulière pour un élu de La République et nous avez qualifié d’opposant politique.

Nous tentons depuis deux ans d’alerter tous les élus sur les aberrations que constitue le projet au regard des activités agricoles traditionnelles dans le cœur du parc et leur maintien, de la nécessité de préserver notre patrimoine culturel tout autant que naturel, et enfin pour la réussite du projet, de l’impératif d’y associer la population de La Réunion, sans qui rien ne pourra se faire.

En septembre 2013, la Charte a été définitivement validée par le conseil d’administration du parc auquel participe la commune de Saint-Joseph. Le projet est actuellement en cours d’examen devant le Conseil d’État pour faire l’objet d’un décret, qui devrait être pris dans les prochaines semaines. Par ailleurs, le Conseil général de l’environnement et du développement durable vient de publier un rapport relatif à la loi de 2006 sur les parcs nationaux, réalisé à la demande du Ministère de l’écologie, dans lequel il est effectivement demander des clarifications sur la politique des parcs nationaux, sans pour autant que la loi éponyme soit modifiée.

M. Lebreton ne peut être sans méconnaître l’ensemble de ces éléments. La portée concrète de sa démarche d’aujourd’hui sera sans effet sur cette procédure qui est arrivée à son terme. Il est plus que dommage qu’il n’ait pas saisi l’opportunité de faire part de ce point de vue, lorsque sa collectivité était légalement invitée à le faire. Par ailleurs en sa qualité de député, il lui appartient de se saisir de ce sujet en déposant, comme la Constitution le lui permet, une proposition de loi visant à modifier la législation.

Nous ne pouvons que nous interroger sur la démarche du Député PS- Le Progrès, en cette veille d’élection municipale. Même si nous pensons que la question du parc national est éminemment Politique et que nous avons toujours milité pour qu’elle soit largement débattue, nous ne pouvons que regretter que le sujet soit devenu un « épouvantail » que les politiques agitent à la veille de chaque élection, tout en ne mettant pas en œuvre leur propre compétence et ne faisant absolument rien aux moments opportuns. Cette méthode, sur un sujet aussi essentiel, ne les honore pas, ni le mandat qu’ils ont reçu du Peuple.

Nous tenons à rappeler à M. Lebreton, ainsi qu’à tous les politiques, avec tout le respect dû à leur fonction et à leur personne, qu’ils se sont mépris sur ce qu’est un parc National, dont la création, est intimement liée à l’affirmation d’un État centralisé et à sa participation au processus de globalisation. D’une part, l’État central affirme son autorité sur de nouveaux espaces avec une force légale dans un nouveau domaine qui est l’environnement et, d’autre part, le modèle français, puis les grandes conférences internationales, établissent une nouvelle légitimité à l’action, en faisant de la conservation de la biodiversité un devoir de l’humanité.

La mise en place d’un parc national délie légalement et légitimement une portion de l’espace de sa dimension locale, au nom du bien de l’humanité qui est supérieur à celui de la collectivité. Les revendications locales à un juste et plein droit de propriété traditionnel, apparaissent comme illégitimes et deviennent, brutalement, illégales. Or, dans un contexte de grande pauvreté et de croissance démographique comme celui de La Réunion, est-il possible de mettre en place desconfigurations spatiales de mise en défens qui se sont imposées sur le territoire métropolitain en pleine industrialisation et urbanisation ?

Le territoire couvert par le parc national de La Réunion doit devenir l’outil du patrimoine culturel autant que naturel et cesser d’opposer la protection et le développement. Le modèle administratif doit également intégrer que la voie la plus efficiente pour protéger le patrimoine passe certes par la construction d’une vision commune de l’avenir du territoire entre les acteurs institutionnels locaux, mais aussi et surtout avec une participation accrue de la population (aucune réunion publique sur la charte du parc national de La Réunion) et non par la seule application d’une réglementation autoritaire incomprise.

La patrimonialisation des éléments naturels et culturels, parce qu’elle est vecteur de valorisation économique et de renforcement de l’identité du territoire, constitue un outil de protection plus efficace. Mais cette patrimonialisation doit avant tout passer par la gestion du territoire en bien commun telle que la théorisait Mme Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009.

Cependant, décréter la protection de l’environnement dans une société basée sur la seule consommation, dont la mise en œuvre à La Réunion est flagrante, est un vœu pieux et démagogique. L’urbanisation affolante liée aux effets d’aubaine de la défiscalisation dans de nombreux secteurs répondant uniquement à une logique financière, et ne permettant même pas de satisfaire aux besoins réels de la population en terme d’emplois ou de logement ; la prédominance de l’agriculture intensive aux mains de l’agrobussiness, telle qu’elle existe à La Réunion et détruisant la fertilité des sols mais aussi impactant fortement sur les récifs coralliens ; sont notamment deux causes de destruction de notre environnement qu’il conviendrait de corriger.

A ce jour, aucun élu, ni le parc national, ni la réserve marine, et donc l’État ne s’attaquent à ces questions préalables. La création du parc national, du fait de sa mise en oeuvre autoritaire de la part de la direction du parc, et de la vision purement électoraliste et court-termiste de nos élus, n’est pour le moment qu’une couche supplémentaire ajouté au mille feuille administratif réunionnais, un frein à la protection de l’environnement autant qu’au développement de l’île.

Le Cmac


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