sak ifé nout jordu ék nout demin

EID… FRATERNITE !


Citoyen
Jeudi 16 Juillet 2015

En cette année 2015, la barbarie islamiste s’est déchaînée entraînant du même coup une amplification médiatique provoquée sciemment par l’attentat contre Charlie-Hebdo au début janvier. Une certaine opinion a décrié les musulmans. A tort. Les musulmans eux-mêmes, des minorités religieuses dont les chrétiens ont été victimes de Daech, notamment en Irak et en Syrie. Des patrimoines religieux et culturels ont été détruits. La barbarie a frappé au Koweït, en Tunisie et encore une fois sur le sol français avec l’horreur d’une décapitation portée à l’extrême en Isère.


Ici, à La Réunion, le Conseil Régional du Culte Musulman (CRCM) s’est positionné tant sur l’attentat de Charlie-Hebdo que sur l’affaire du jeune Réunionnais et de l’alimentation de la filière islamiste en Syrie. Le président du CRCM, Houssen Amode a déclaré « Notre Islam n’est pas le terreau du radicalisme ». Anouar Kbibech, nouveau président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) entend proposer à son bureau un « conseil théologique pluraliste » capable de « démonter point par point l’argumentaire » djihadiste. « Il n’est pas question de réformer l’Islam qui est immuable, mais la pratique musulmane ». Notons que Houssen Amode et Anouar Kbibech sont tous les deux engagés dans le dialogue interreligieux.


La dernière décade du ramadan qui se termine voit les croyants de l’Islam intensifier leur temps de prière. Cela se conjugue aussi à des invitations de non musulmans à partager la rupture du jeûne. Invité à la grande mosquée de Saint-Denis, dans un climat d’échanges et de recueillement religieux, j’ai pu savourer aussi dattes, samoussas et petits gâteaux, symbole de la joie partagée. Je remercie Igbal Ingar, président de l’Association, pour son attention ainsi que l’Imam Bhagatte pour les échanges que nous avons eus avec leurs coreligionnaires. Les regards fraternels en disaient long sur la reconnaissance réciproque qui nous animait. A partir d’un même souffle, elle nous désengluait si nécessaire de cette méfiance mortifère pouvant empoisonner l’existence quotidienne.


A notre époque de guerres psychologiques, de suspicions, de violences, de replis identitaires, ce à quoi nous aspirons les uns et les autres, c’est à la fraternité. A ce sujet, Paul Blanquart, dans la revue « La Maison Islamo-chrétienne » écrit : « … la fraternité est une disposition de l’esprit et du cœur, une intériorité ouverte, qui donne et qui accueille, qui reconnaît chacun en son autonomie et qui cherche à lier. Elle est spiritualité. (…) il s’agit d’un souffle : énergie recueillie en cet intérieur et qui en ressort pour produire de la vie, la défendre. Nous avons grand besoin de cette respiration ».


De multiples appartenances


Puissent nos religions respectives approfondir la connaissance de leurs histoires, du contenu de leurs fondamentaux et sans rien trahir de ce qui fait l’essence de nos religions, pouvoir l’inscrire dans les coutumes de notre unique communauté de destin ouverte sur le monde. Sur les bases de ce que nos anciens ont construit à La Réunion, la connaissance de l’autre, des autres, est un antidote à la peur fantasmée en menaces destructrices. Au sein d’une République laïque et non laïciste, au sein d’un peuple métissé en transversalité, notre culture ne peut être qu’interculturelle avec sa multiculturalité intégrée en chacun de nous et dans la société. Et puis, gardons-nous bien de ramener notre identité au seul enracinement religieux. Nous sommes de multiples appartenances. S’il n’en est pas ainsi, il n’y a pas de devenir. La soi-disant identité ne pourrait être que prison pour soi-même et repoussoir pour les autres.


C’est dans cet esprit de fraternité et de compréhension de nos différences que je souhaite en ce ramadan finissant un joyeux Eid-ul-Fitr à tous les musulmans de La Réunion. Que le déroulement du temps soit sanctifié. Que sur chaque individu et sur chaque famille vienne la bénédiction du Très-Haut Tout Puissant et Miséricordieux. La miséricorde, la miséricorde. Nous devons constamment l’implorer pour nous-mêmes et pour nos semblables si nous ne voulons pas nous détruire par une civilisation de la mort au lieu de nous construire par une civilisation de l’amour. Chrétiens et musulmans, nous avons nos différences. Mais nous avons en commun de croire au même Créateur. Nous avons Abraham comme ancêtre commun dans la foi. Moïse nous a donné les mêmes tables de la loi, dix commandements, dix paroles de vie pour vivifier la vie. Ensemble, nous croyons aussi que Marie préservée de tout péché a engendré Jésus sans l’intervention d’un homme et que Jésus, Fils de Marie, reviendra dans la gloire du Très-Haut.


Ce retour glorieux de Jésus est l’horizon proclamé de notre espérance commune parce que l’Humanité sera transfigurée pour une terre nouvelle et des cieux nouveaux. Nos jeûnes, prières et festivités religieuses hâtent le temps de cette seconde venue du Christ. On pourrait nous prendre pour des illuminés. Nous n’avons pas d’autres ambitions, je pense, que de vivre en paix les uns avec les autres, tous les autres, comme des gens raisonnables, justes et religieux. Alors, oui : joyeux Eid-ul-Fitr à vous musulmans de La Réunion et à tous ceux qui vous sont chers.


Toute méditation, toute prière, quelle que soit l’interprétation de l’être humain qui la reçoit, peut au moins nous élever l’âme en nous présentant un horizon ouvert sur la transcendance. Je vous propose, dans les circonstances actuelles, un extrait du poème Shâm de Omar Issop-Banian dans « Le chant de l’aube ». Il s’agit de la seconde venue du Christ :

Que ne donnerai-je pour méditer auprès du maître des maîtres !
Et invoquer dans l’intérieur et dans l’extérieur
La Présence unique et apaisante.


Puisse cette terre ne jamais subir de soubresauts
Ni l’égo dévastateur des hommes
Sur elle descend la Sagesse des Elus
Et le Sceau de la Sainteté universelle.

Monseigneur Gilbert AUBRY


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