Nous savons depuis 1981 qu’il n’y a pas de suite logique entre conquête de l’État et démocratie.
Le changement ne viendra pas non plus de la destruction de l’appareil d’Etat, synonyme de chaos, car le vivre ensemble suppose une organisation.
Reste la possibilité de se mettre en marge du système.
Mais se retirer purement et simplement, c’est renoncer au changement et c’est laisser le champ libre aux égoïsmes et aux démagogues.
Ainsi donc prendre le pouvoir c’est trahir, et ne pas le prendre est irresponsable.
Nous serions donc dans une impasse ?
Il est clair que nous ne pouvons pas changer le monde à travers les élections et la prise du pouvoir, parce que c’est l’exercice même du pouvoir dans sa forme traditionnelle qui est à l’origine de la fossilisation de ce monde et de la trahison.
Mais rien ne dit que le pouvoir ne soit pas utile à quelque chose.
S’il faut encore prendre le pouvoir, ce n’est plus pour l’exercer, mais pour le dissoudre.
Le dissoudre pour le rendre aux gens, à la foule intelligente, aux réseaux, aux usagers, à la multitude...
Bien sûr pas sous la forme de l’anarchie ou du désordre, ce qui serait un remède pire que le mal, mais dans le cadre d’une organisation responsable.
Désormais, le seul programme électoral qui vaille c’est celui qui propose la restitution des pouvoirs de l’État aux citoyens, du maximum de pouvoir possible.
L’élection reprendrait alors tout son sens.
En effet, le citoyen abandonnerait temporairement son pouvoir constituant, sa souveraineté , mais ce serait pour que tout lui soit restitué presque immédiatement dans des formes utilisables, pratiques et fonctionnelles.
L’élection et la représentation devenant des outils vertueux de transformation d’un pouvoir abstrait, potentiel, inutilisable, en pouvoir concret ; d’un produit brut en un produit fini.
Dans cette perspective, le but ultime de la classe politique est bien, tendanciellement, de disparaître.
Quand en 1994, les Indiens du Chiapas au Mexique décident que, désormais, il faudra “commander en obéissant ”, ils rappellent qu’au dessus des élus, il y a une souveraineté inaliénable, celle des citoyens.