Un programme riche de rencontres : une conférence au Plaza de Saint-Louis "L'Afrique du sud face à l'avenir", une autre à l'Université, à Saint-Denis "Ecrire en Afrique du sud" ; des discussions avec des lycéens de Saint-Louis, St-Paul, Le Port, Saint-André et des écrivains d'ici à l'Artothèque. De ce passage témoigne un DVD réalisé par Christian Béguinet.
J'y ajouterai une évocation plus personnelle : une longue balade dans le cirque de Cilaos, habité par la mémoire des Marrons. Lui et sa compagne avaient été intéressés par la cuite du géranium.
1992 : c'était deux ans après la libération de Nelson Mandela, avec lequel André Brink était ami. Professeur de littérature à l'Université du Cap, cet afrikaner, fils d'un magistrat et d'une institutrice, descendant de colonisateurs boers venus là il y a 3 siècles, avait choisi l'arme de l'écriture pour dénoncer le régime de l'apartheid… qui l'a très souvent censuré, interdit. Mais les traductions de ses ouvrages dans diverses langues ont participé à la prise de conscience de la situation sud-africaine dans le monde.
Interrogé sur France Inter dimanche matin, son traducteur francophone Jean Guiloineau notait que l'œuvre d'André Brink comprenait deux axes : l'actualité brûlante de l'apartheid et les révoltes de l'histoire. Littérature engagée donc, inspirée par Albert Camus qui a révélé l'écrivain à lui-même, selon ses propres aveux. Cette double temporalité des formes de domination, passées et actuelles, dessine effectivement les chemins d'inspiration d'André Brink. En illustration de cette double thématique, et parmi ses nombreuses œuvres, on peut citer Une saison blanche et sèche (1979, version cinématographique de la Martiniquaise Euzhan Palcy) où comment l'apartheid se révèle à un Blanc sud africain jusqu'alors aveugle ; Pour le versant du passé, Un turbulent silence (1981) raconte une révolte d'esclaves en 1824. Son dernier roman, Phyllida (2013) noue l'histoire d'une esclave à celle de la famille Brink. Dans toutes ces narrations, l'enjeu est celui de la résistance à l'oppression, de la conquête de la liberté et de ce qu'on est prêt à faire ou à sacrifier pour la conquérir.
Mais l'œuvre d'André Brink est aussi une ode à l'amour, l'amour interdit par les lois inhumaines de la ségrégation comme dans Au plus noir de la nuit (1973), l'amour plein de gratitude pour les femmes qui rendent la vie supportable comme dans L'amour et l'oubli (2006), "biographie fictive" d'un écrivain engagé qui déroule le film aventureux de sa vie affective.
Ces dernières années, celles de l'après-Mandela, André Brink, dont des membres de la famille ont subi des violences, ne cachait pas sa déception. Il soulignait le maintien des inégalités, la corruption du pouvoir et de l'argent.
On retrouve, sinon cette amertume, du moins ces interrogations dans le dernier roman d'une autre écrivaine sud-africaine, Nadine Gordimer, décédée en juillet 2014. Dans Vivre à présent (2012), un couple noire-blanc éprouve des difficultés à passer de la lutte armée clandestine à la vie dite normale. Leur promotion sociale personnelle ne les aveugle pas sur les conditions de vie du plus grand nombre. Impatience face aux lenteurs de l'Histoire ? Décalage entre le rêve militant et les pesanteurs du réel ? Désenchantement d'écrivains engagés mais n'ayant pas connu dans leur chair les abominations de l'apartheid ?
C'est en ayant quitté l'Afrique du sud pour poursuivre des études à La Sorbonne, et peut-être vivre en France, qu'André Brink dit avoir pris une conscience brutale du régime sévissant dans son pays (1960, massacre de Sharpeville). Il décida alors d'y revenir. Ce regard du dehors le bouleversa au-dedans de lui-même. De son premier roman, L'ambassadeur (1965) à aujourd'hui, il ne cessa d'explorer de quoi l'être humain est capable : du pire et du meilleur.
De retour de l'Université catholique de Louvain, en Belgique, il est mort à l'âge de 79 ans, le 6 février 2015, dans l'avion, entre deux hémisphères, en plein ciel.
J'y ajouterai une évocation plus personnelle : une longue balade dans le cirque de Cilaos, habité par la mémoire des Marrons. Lui et sa compagne avaient été intéressés par la cuite du géranium.
1992 : c'était deux ans après la libération de Nelson Mandela, avec lequel André Brink était ami. Professeur de littérature à l'Université du Cap, cet afrikaner, fils d'un magistrat et d'une institutrice, descendant de colonisateurs boers venus là il y a 3 siècles, avait choisi l'arme de l'écriture pour dénoncer le régime de l'apartheid… qui l'a très souvent censuré, interdit. Mais les traductions de ses ouvrages dans diverses langues ont participé à la prise de conscience de la situation sud-africaine dans le monde.
Interrogé sur France Inter dimanche matin, son traducteur francophone Jean Guiloineau notait que l'œuvre d'André Brink comprenait deux axes : l'actualité brûlante de l'apartheid et les révoltes de l'histoire. Littérature engagée donc, inspirée par Albert Camus qui a révélé l'écrivain à lui-même, selon ses propres aveux. Cette double temporalité des formes de domination, passées et actuelles, dessine effectivement les chemins d'inspiration d'André Brink. En illustration de cette double thématique, et parmi ses nombreuses œuvres, on peut citer Une saison blanche et sèche (1979, version cinématographique de la Martiniquaise Euzhan Palcy) où comment l'apartheid se révèle à un Blanc sud africain jusqu'alors aveugle ; Pour le versant du passé, Un turbulent silence (1981) raconte une révolte d'esclaves en 1824. Son dernier roman, Phyllida (2013) noue l'histoire d'une esclave à celle de la famille Brink. Dans toutes ces narrations, l'enjeu est celui de la résistance à l'oppression, de la conquête de la liberté et de ce qu'on est prêt à faire ou à sacrifier pour la conquérir.
Mais l'œuvre d'André Brink est aussi une ode à l'amour, l'amour interdit par les lois inhumaines de la ségrégation comme dans Au plus noir de la nuit (1973), l'amour plein de gratitude pour les femmes qui rendent la vie supportable comme dans L'amour et l'oubli (2006), "biographie fictive" d'un écrivain engagé qui déroule le film aventureux de sa vie affective.
Ces dernières années, celles de l'après-Mandela, André Brink, dont des membres de la famille ont subi des violences, ne cachait pas sa déception. Il soulignait le maintien des inégalités, la corruption du pouvoir et de l'argent.
On retrouve, sinon cette amertume, du moins ces interrogations dans le dernier roman d'une autre écrivaine sud-africaine, Nadine Gordimer, décédée en juillet 2014. Dans Vivre à présent (2012), un couple noire-blanc éprouve des difficultés à passer de la lutte armée clandestine à la vie dite normale. Leur promotion sociale personnelle ne les aveugle pas sur les conditions de vie du plus grand nombre. Impatience face aux lenteurs de l'Histoire ? Décalage entre le rêve militant et les pesanteurs du réel ? Désenchantement d'écrivains engagés mais n'ayant pas connu dans leur chair les abominations de l'apartheid ?
C'est en ayant quitté l'Afrique du sud pour poursuivre des études à La Sorbonne, et peut-être vivre en France, qu'André Brink dit avoir pris une conscience brutale du régime sévissant dans son pays (1960, massacre de Sharpeville). Il décida alors d'y revenir. Ce regard du dehors le bouleversa au-dedans de lui-même. De son premier roman, L'ambassadeur (1965) à aujourd'hui, il ne cessa d'explorer de quoi l'être humain est capable : du pire et du meilleur.
De retour de l'Université catholique de Louvain, en Belgique, il est mort à l'âge de 79 ans, le 6 février 2015, dans l'avion, entre deux hémisphères, en plein ciel.